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Euthanasieur. Faut-il créer un nouveau métier ?

DIX MORTS SANS ORDONNANCE. INSUFFISANCE DE LA LOI

Ce mardi 9 mai 2017 débute à Chambéry le procès de Ludivine Chambet, aide-soignante en Ehpad, mise en examen et emprisonnée en décembre 2013 pour empoisonnements volontaires de treize patients de 76 à 96 ans, dont dix sont décédés. Cette jeune femme, célibataire sans enfants, dévouée à ses tâches, ne supportait plus de voir souffrir les vieillards dont elle avait la charge dans une structure en manque de personnel, ce d’autant que sa tendance dépressive s’était aggravée depuis le récent et douloureux décès de sa mère, suite à une leucémie. Sans l’accord des patients, de sa seule décision et en dissimulant ses actes, elle leur a administré des sédatifs et des neuroleptiques à doses mortelles. Elle est coupable et sera condamnée.

Essayons de comprendre son geste ! Comme dit en 2013 par des philosophes et des parlementaires, il est possible que Ludivine Chambet ait été désinhibée par le battage médiatique fait autour des affaires juridiques sur la fin de vie depuis une vingtaine d’années. Elle a des points communs avec Christine Malèvre, cette infirmière de Mantes-la-Jolie, ayant pratiqué une trentaine d’euthanasies actives, condamnée en 1998. Entre leurs deux mises en examen, a été votée en 2005 la loi Léonetti mais les progrès apportés par celle-ci ont été insuffisants puisqu’elle a dû être amendée par décret de 2010, puis remplacée par la loi Léonetti-Claeys en février 2016. Ces avancées à petits pas ne satisfont pas 90% des Français, 50% des médecins favorables à une aide active à la fin de vie et un nombre de soignants suffisant pour que quelques-uns d’entre eux passent à l’acte ! Ces excès ne s’observent plus en Belgique et aux Pays-Bas où la loi autorisant l’aide à la fin de vie active a été votée en 2002. Ces lois peuvent même être améliorées pour respecter la liberté de chacun et assurer la protection des êtres vulnérables.

C’est au patient de diriger ses souhaits. Notre loi de 2016 constitue un progrès en ce sens par la déclaration du caractère contraignant des directives anticipées rédigées par ses soins. Elle reste insuffisante, voire contradictoire, en n’autorisant qu’une sédation profonde et continue pour « laisser mourir », cause d’une agonie de durée imprécise, laissant au désespoir les familles présentes, ne permettant pas d’aider par ailleurs des patients atteints de pathologies sévères mais non mortelles à court terme qui ne veulent plus vivre.

Notre nouveau président et son gouvernement, nos futurs parlementaires devront y réfléchir. Ce combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité face à la fin de vie se poursuit et se poursuivra tant que la loi française n’aura pas pacifié par un texte complet un sujet où l’on n’a pas à être pour ou contre, tant que les conditions de travail dans les Ehpad n’auront pas été améliorées, tant qu’une loi exhaustive ne protègera pas les patients des excès d’une aide-soignante isolée, aveuglée, désespérée, victime elle aussi.

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V
Merci pour tout ce travail que cela représente et pour tout le plaisir que j’y trouve
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B
Je suis confuse , car j'ai eu quelques problèmes pour envoyer mon message et j'ai donc du recommencer sur ma boite mail en faisant un copié-collé qui m'a semblé incomplet, or, je m'aperçois que mon texte était complet d'où la redondance que vous voudrez bien me pardonner mais qui donne une impression de grande confusion, ce qui n'est évidemment pas le cas !
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B
J'ai la même vision des choses , que vous et je vous suis en tout point cependant, il m'est difficile d'en juger en toute impartialité,<br /> <br /> mais contradictoirement , je pense également qu'elles sont des victimes de ce système de soins qui demande de plus en plus de rendement au détriment du confort du patient , quand je parle de confort, je parle bien entendu de soins médicaux, mais aussi de l'écoute tellement importante quand on ne peut plus bouger et vaquer à des occupations comme tout un chacun, quand on sait que notre sort est scellé et que la mort n'arrivera qu'après d'immenses souffrances physiques et morales ! J'ai tendance à être partiale avec la jeune Aide Soignante en EHPAD, car ma fille ainée travaille dans ce domaine là, et c'était une vocation . Elle voulait avoir un contact avec les patients, et elle refuse d'être infirmière car les infirmières sont beaucoup moins en contact, trop prises par des tâches indues, seulement ma fille a l'impression de faire de la "maltraitance" car les tâches sont chronométrées et elle est obligée de manipuler des personnes souffrantes sans ménagement pour tenir la cadence, et ça, elle ne le supporte plus ! Je ne pense pas qu'elle passerait à l'acte, mais je peux comprendre le geste de Ludivine Chambet  si elle ressentait la même chose que ma fille ! Je pense aussi que dans ce métier il faut avoir beaucoup d'empathie, mais le personnel soignant est-il vraiment pris en compte psychologiquement parlant pour lui permettre de J'ai lu avec attention vos écrits Salenson, et je suis comme vous, en questions,  dans ce "marécage" de la fin de vie qu'on ne veut pas nous accorder paisible et rapide quand il n'y a plus rien à faire ! En ce qui concerne les deux personnes incarcérées, je ne connais pas assez leur garder cette empathie nécessaire et avoir assez de recul pour ne pas être trop affectée et sombrer dans la dépression ?<br /> J'ai pensé à ma fin de vie, et j'ai enregistré les documents à remplir sur ma volonté d'en finir si je ne suis plus en capacité de le faire, pour cela, j'ai trouvé une amie en 1978 au moment où nous passions notre concours d'Inspecteur de Police ! C'est quelqu'un de très équilibré, pleine de vie, qui a eu une vie pas toujours rose et qui a du faire face à des décès traumatisants, mais je sais qu'elle a les épaules pour faire respecter ma volonté , même si pour l'instant, elle ne pense qu'à me remettre sur pied le plus possible ! Son acceptation a été franche et sans détour ! De ce coté là, je me sens rassurée, mais, il y un mais, pourquoi faut-il attendre de ne plus pouvoir s'exprimer pour en arriver là ? Pour moi, la vie est primordiale, mais pas n'importe quelle vie ! <br /> Comme vous le dites, dans un passage de votre commentaire, il y a beaucoup de personnes âgées qui se suicident et c'est assez sordide J'ai malheureusement eu à enquêter dans des établissements où ces personnes se trouvaient hospitalisées, et psychologiquement ça m'a beaucoup touchée de voir qu'on pouvait mourir comme ça, sans que personne ne soit là, sans que personne ne remarque rien ! C'est immensément triste de ne pas vouloir écouter ces personnes et leur permettre de planifier leur fin, d'avoir leur famille en accompagnement comme pour leur dire "Bonne nuit"  <br /> Encore, celles-ci ont pu faire le geste ultime souvent avec un simple foulard, mais je me demande ce qui se serait passé si par malheur, elles avaient manqué leur sortie et gagné un stade plus dépendant encore ? C'est ma hantise ! <br /> Je respecte profondément les personnes vivantes ou mortes (j'ai malheureusement été trop souvent confrontée à la mort par suicide) et je n'ai jamais jugé, j'avais trop d'empathie mais je gardais mes sentiments de peine pour moi car lorsqu'on est Capitaine de Police, on se doit d'être imperturbable , du moins en apparence, mais les dégâts se font au fur et à mesure des années sans que personne ne le sache et ne s'en préoccupe ! Je suis à la retraite maintenant, mais à l'époque où j'étais en fonction, aller voir un psy était très mal vu ! Maintenant, il y a des cellules psychologiques, j'ai connu la mise en place de ces cellules à la fin de ma carrière, mais cela se passait avec une psychologue qui venait au commissariat ! Comment voulez-vous que les policiers qui en avaient besoin aillent la voir devant leurs collègues ? A mon époque, c'était signe de faiblesse ! J'espère que les choses ont un peu changé dans la forme mais surtout dans le fond, car beaucoup souffrent mais ne le disent pas et finissent par se suicider ! C'est plus facile quand on est armé ! Désolée d'être un peu hors sujet dans ma dernière partie mais c'est un devoir sinon un vécu de ma part d'en parler.
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S
Je ne sais rien de cette infirmière et des pourquoi de ses gestes. à la demande de ces vieux qui sont morts plus vite que prévu? ou sur sa propre initiative? <br /> On sait que beaucoup de personnes agées vivant en EHPAD ne rêvent que de mourir plus vite, et que nombre d'entre elles réussissent des suicides que l'on fait tout pour empêcher... triste réalité. <br /> <br /> Tant que la loi ne permettra pas aux "patients" de demander de l'aide pour mourir à leur médecin et d'être écouté, voire suivi (il faut bien sûr s'assurer que ce n'est pas une idée de passage, mais bien une volonté établie), tant que la loi ne demandera pas aux médecins de respecter la volonté exprimée et réitérée de leurs clients , ceci, quelle que soit leur demande, <br /> les vieux … et les jeunes continueront de mal mourir en France, de souffrir trop longtemps, du moins moralement, sinon physiquement. <br /> Leurs familles souffriront de les voir mourir à petit feu… et de ne pas pouvoir parler ensemble de cette mort prochaine, donc de ne pas préparer le deuil nécessaire. <br /> Ma cousine, la cinquantaine, a demandé à son médecin de tout faire pour la « sauver » lorsqu'on a découvert son cancer  en 3 points : cerveau (elle se paralysait, perdait équilibre et mémoire) , os, poumon… donc généralisé déjà, ce qu'on ne lui a pas dit, et elle ne voulait pas l'entendre. <br /> Après plus d'un an d'hôpital, hôpital à domicile, de chimio, de radiothérapies inefficaces, elle disait à sa mère : « Pourquoi ils continuent ? Je suis devenue une armoire à pharmacie… ». <br /> Elle ne disait pas vraiment qu'elle voulait arrêter, mais alors le médecin considérait qu'elle n'était plus apte à décider de son sort… elle était privée de son libre arbitre. <br /> On lui donnait médicaments et médicaments, alors qu'elle ne mangeait plus qu'à peine… elle se rendait compte qu'il n'y avait rien à faire et qu'elle allait mourir, mais personne n'a eu le courage de lui demander si elle avait changé d'avis depuis un an… , d'en parler, elle a souffert encore 6 mois avant de mourir, l'horreur pour elle et sa famille. Elle n'a pu profiter de soins palliatifs que les derniers jours… puisque les médecins niaient sa mort prochaine. Et aller dans des soins palliatifs signifie pour tout le monde que la mort est déjà là, puisque ces chambres spécifiques sont réservés aux mourants.
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