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Euthanasieur. Faut-il créer un nouveau métier ?

Réponse à la déclaration des évêques de France

Respecter l'autre  pacifie les rapports humains. Le méconnaître est source de conflits.

Le journal La Croix a publié ce 22 mars une déclaration des évêques de France sur la fin de vie. Après une belle introduction de compassion vis-à-vis des mourants et d'éloge vis-à-vis des soins palliatifs et des soignants viennent en six points les arguments permettant aux évêques d'affirmer leur opposition éthique à l'aide au suicide assisté et à l'euthanasie (terme déformé de son étymologie native: " bonne mort"; l'euthanasie associe en fait quatre potentialités d'action: l'accompagnement, les soins palliatifs, les aides à la fin de vie passives et actives).

Souhaitant l'écoute de cette communauté qui l'a instruit autrefois, lui a appris à aimer l'autre et qui a certainement participé à sa vocation professionnelle, un médecin qui a assisté la fin de vie de plus de quatre mille patients, tient à discuter chacun des six points avancés par le clergé pour aller contre l'aide à la fin de vie, alors que ce médecin n'est lui ni pour, ni contre cet acte, persuadé qu'il a toujours été pratiqué, qu'il est nécessaire pour que l'agonie soit paisible.

1) "La dernière loi a été votée récemment et il faut lui laisser du temps..." Cette loi voulait améliorer la loi de 2005. Elle l'a été en supprimant l'hypocrite principe du double effet, en rendant obligatoire la prise de connaissance des directives anticipées par les médecins. Elle est contradictoire entre deux de ses articles car elle ne propose qu'une possible (et toujours hypocrite) sédation profonde continue sans laisser au patient la liberté de choix de la durée de sa fin mais en laissant perdurer inutilement la souffrance des accompagnants. Elle ignore toute demande de mort exprimée hors fin proche.

2) "Il y aurait contradiction entre l'autorisation d'une aide au suicide et les mesures gouvernementales actuelles de lutte contre le suicide". Ces deux modalités ne sont pas contradictoires mais, bien au contraire, synergiques. Preuve en est la constatation faite dans l'état américain de l'Oregon où la prescription médicale  de produits létaux administrés par voie orale  est légalisée depuis plusieurs années; seul un patient sur deux a ultérieurement absorbé le produit mis à disposition. Cette attitude de dialogue avec le médecin puis de confiance vis-à-vis du choix du patient a donc un effet préventif sur un suicide dont la pratique non contrôlée est souvent violente. L'allusion à un refus de transgression du commandement "Tu ne tueras pas" est vieille comme l'ancien Testament mais ne tient pas à la lecture de la Bible puisqu'au lendemain de l'obtention des tables de la loi divine, MoÏse les brise et fait tuer trois mille juifs!

3) "Il y aurait rupture du pacte de confiance soignant-soigné établi par notre Code de Déontologie". L'engagement du soignant est de satisfaire tout patient raisonnable, de protéger tout patient vulnérable, de soigner jusqu'à la dernière seconde y compris en aidant à mourir comme le font la quasi-totalité des médecins réellement confrontés au problème, sans pouvoir l'avouer puisque c'est interdit! Il faudra donc adapter le Code de Déontologie à la réalité clinique, arrêter le mensonge par omission, mettre fin à l'hypocrisie.

4) " Il faut respecter la clause de conscience et connaître la variabilité d'attitude des médecins". Oui, comme pour une décision d'avortement, le médecin n'aura aucune obligation d'aider à la fin de vie mais, s'il y est opposé, devra diriger son patient vers un confrère disponible. Il faudra éventuellement faire appel à des praticiens de fin de vie, assistés de psychologues, dont le coût des pratiques sera bien moindre que celui du maintien en vie sur des années de décérébrés.

5) "Il faut respecter la liberté personnelle et ne pas emprisonner les vulnérables dans un devoir de mourir". C'est une certitude mais respectons aussi le tétraplégique, respectons Anne Bert qui a dû aller mourir en Belgique parce que l'on meurt mal en France, respectons les grands vieillards qui calmement ne souhaitent plus vivre, respectons les écrits préalables à des états de démence ou d'inconscience réclamant la quiétude du repos éternel!

6) " Il faut protéger l'homme du questionnement sur la fin de vie". Non, plus qu'agneau protégé et conduit par son berger, l'homme doit être instruit et libre face à une mort qui n'a rien de redoutable si elle est programmée, notamment par une relation forte soignants-soignés, par la rédaction de directives anticipées, par la désignation d'une personne de confiance.

La loi française actuelle est très insuffisante. Tous les jours, on meurt mal en France. Il nous faire mieux que les lois du Benelux en légalisant plutôt qu'en dépénalisant, en ne permettant l'aide à la fin de vie en dehors de l'urgence qu'après un contrôle plus strict que celui qui y est actuellement exercé, en respectant notre devise républicaine laïque de liberté, d'égalité et de fraternité.

 

 

 

 

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B
Très bel article qui va dans le bon sens avec amour et respect du patient et des familles ! Quand vos démonstrations pleines de bon sens seront elles entendues ?
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L
Pas demain hélas mais le combat continue, notamment avec qq verbes de ma dernière parution du 17 mars dernier: "Verbes de Vie".